ÉVOLUTION DES EFFECTIFS ET DES NOMS DE FAMILLE

     Dis-moi ton nom, je te dirais d'où tu viens : exercice très difficile aujourd'hui compte tenu de tous les mouvements de population du Nord vers le Sud et du Sud vers le Nord, de l'Est vers l'Ouest, de la campagne vers la ville puis de la ville vers la campagne, sans oublier les déplacements forcés engendrés autrefois par les guerres, et maintenant, par les contraintes professionnelles .
Cet exercice devient franchement impossible quand, ........ il n'y avait pas de noms de famille !
     Dans une très petite collectivité, en effet, on pouvait se contenter, pour désigner un individu avec certitude, de le nommer d'un seul mot : père, mère, aîné, soeur, benjamin etc .... Mais quand les communautés se sont agrandies, il a fallu affecter à chacun de ses membres une ''étiquette'' plus personnelle qui est devenue, progressivement, ce que nous appelons maintenant des prénoms : Pierre, Marie, Paul etc .....
     Les effectifs augmentant encore et le nombre de ''prénoms'' connus restant limité (le calendrier des Postes n'existait pas !) il fallut, pour en distinguer les porteurs, leur ajouter un complément portant par exemple sur leur aspect : Pierre le gros, Marie la grande, Paul le roux ... ou sur leur lieu d'habitation : Pierre du pont, Marie de la source, Paul du moulin ; ou encore sur leur filiation : Pierre du jean, Marie du roux, Paul à Marie .... ou même sur leur activité : Pierre le meunier, Marie bon pain, Paul le tanneur ....




Philippe ''Le Bel''
Robin ''Des Bois''
Picsou ''Le Richard''
   
      Ces variantes, quasi illimitées, ont longtemps permis de désigner, avec précision et sans erreur possible, chacun des membres de la collectivité et ce, quelque soit sa situation sociale ; Sans erreur possible, à condition toutefois de connaître les parents, ou le domicile, ou encore la situation de celui qu'on recherchait, autrement, il fallait mieux en être contemporain . Puis, on a gardé, d'une génération à l'autre, les mêmes ''compléments'' pour tous les descendants d'un même individu . C'est ainsi tout simplement que l'on ''inventa'' les patronymes .
     Utilisés, essentiellement oralement, ces patronymes n'étaient jamais choisis par les intéressés, mais ils leur étaient attribués par leurs concitoyens qui avaient quelquefois la mémoire courte et aussi .... la dent dure . Puis, au fil des ans, ces noms subirent de nombreuses modifications pour finalement se présenter aujourd'hui tels que nous les connaissons .

     - Nos ''le gros'' , les descendants de Pierre (voir plus haut ..) sont peut-être devenus des Gros, Grosjean, Grosset, Grossin, Grassier, Groussard ou encore Lardret, en fonction du parler de la région ou des aléas ou la vie les avaient conduits .
     - Le nom des enfants de Marie la grande avaient pu évoluer , pour peu qu'il y  eut un garçon, en Legrand, ou en Grand, Grant ... et leurs propres enfants devenir des Grandet, ou des Grandin ...
     - Pendant que les enfants de Paul le roux devenaient les enfants au Roux autrement dit :  Auroux, puis devenaient des Rousseau, dont les descendants pourraient s'appeler Duroussot et pourquoi pas après un séjour en Alsace se nommer Roth ..........

registre
 


  Toutes ces évolutions auraient dû cesser lorsque François 1-er, en 1539 a rendu obligatoire la tenue des registres paroissiaux mentionnant le nom et le prénom des paroissiens, dans l'ordre chronologique de leur baptême, mariage et inhumation . Ces registres étaient tenus par les prêtres desservants, qui n'étaient pas toujours originaires de la région, et dont l'orthographe pouvait avoir quelques défaillances, voire quelques fantaisies .
  C'est ainsi que les noms continuèrent à évoluer d'une manière plus ou moins correcte, d'autant plus facilement que les personnes concernées ne savaient, pour la plupart ni lire ni écrire et par conséquent ne pouvaient corriger les erreurs .
  Et même actuellement personne n'est à l'abri d'erreurs dans l'état civil !



     Évidemment, ne figuraient dans ces registres que les catholiques mais, heureusement pour le salut de leur âme et ...pour le bonheur des généalogistes, la quasi totalité des habitants l'étaient, tout au moins dans nos contrées .
     La révolution passant par là a confirmé par la Loi du 20 septembre 1792, l'obligation de tenir des registres d'état civil, mentionnant cette fois les naissances, les mariages civils et les décès, et en a confié la tenue aux Officiers d'Etat Civil .
     Ceux-ci, tout au moins à l'origine, étant choisis essentiellement sur des critères politiques, n'étaient pas beaucoup plus savants que leurs prédécesseurs et ont naturellement commis les mêmes erreurs :
     - Les noms se terminant par le son ''é'' étaient transcrits tantôt avec ''er'', tantôt avec ''ey'' ou même ''ez'' .
     - Les noms en ''o'' s'écrivaient aussi bien ''ot'', ''au'' ou ''aud'' .
     - Les consonnes étaient quelques fois doublées, puis redevenaient simples à la génération suivante .
     - On ajoutait (ou retirait) temporairement un ''t'' ou un ''s'' à la fin d'un nom .
     - Pendant plusieurs années, on a même vu apparaître un ''e'' à la fin du nom de famille sur les actes
              concernant des jeunes filles ou des femmes !
Pas facile de retrouver ces ancêtres dans tout ça !
     Et la calligraphie de l'époque d'un style ampoulé ne nous facilite pas la tâche . En plus, depuis fort longtemps, les enfants portent le nom de leur père, ce qui revient à dire que le patronyme d'une famille, même nombreuse,  peut disparaître en une génération, quand il n'y a que des filles .

     Est-ce pour ces raisons que, dans notre village, 1 seul des 51 noms de famille différents mentionnés sur les registres des 10 premières années de l'existence des registres d'État civil (du 21 septembre 1792 au 20 septembre 1802), était encore porté à la fin du siècle dernier : il s'agit de Fleury .
    ( Rappelons que nos recherches concernent les patronymes et non la généalogie . Les porteurs actuels de ces noms ne sont donc peut-être pas les descendants directs de leurs homonymes de l'époque, ce qu'ils ne manqueront pas de chercher si leur curiosité est assez forte : à l'inverse, de nombreux habitants peuvent avoir une ''origine locale contrôlée'', mais par le canal des branches féminines, ils auraient ainsi perdu leur patronyme originel .) (Voir : Le tableau des patronymes)

    
Durant cette période, le nom de Fleury y est mentionné 10 fois :

                           - 4 naissances :     Anne-Marie, le 7 prairial de l'An II     (26.05.1794)
                                                            Reine-Marie, le 8 prairial de l'An IV  (27.05.1796)
                                                            Edmée, le 20 nivôse de l'An VI         (09.01.1798)
                                                            Rosalie, le 17 frimaire de l'An VIII     (08.12.1799)

                           - 2 mariages:           Jean-Baptiste avec Geneviève Michot, le 17 juin (sic) de l'An II
                                                             Claire-Marie avec Nicolas Dollat, le 8 juillet (sic) de l'An II

                           - 1 décès :                 Rosalie, le 28 frimaire de l'An VIII   (19.12.1799)

     Quelques familles de l'époque avaient pourtant fait un bel effort pour perdurer, puisque, dans le même temps, on constate que : 5 nouveaux-nés portaient le nom de Deheurles , 5 s'appelaient Dollat, 5 antres Fe(b)vre, 5 autres encore Saunois et 21 se nommaient Michot, Michaut ou Michaud ! Et qu'ensemble, les mamans du village avaient mis au monde 85 enfants ; un effort qui n'a pas permis de maintenir leurs patronymes ici mais qui a néanmoins laissé de nombreux descendants .
     Si on élargit la recherche à 30 ans (10 ans avant, donc en incluant la période de la révolution et 10 ans après),  ce qui correspond, environ, à une génération, on obtient des résultats un peu moins positifs :

                             - 235 naissances, soit une moyenne annuelle de 7,8 contre 8,5 .
                             - 224 décès, soit un différentiel de +11 en 30 ans, contre +17 en 10 ans .

     Et on trouve 104 noms de famille dont 4 seulement étaient encore portés à la fin du XXème siècle :
                                          Fleury (déjà cité), Lutel (le), Herluison et Vajou(t) .

     Une observation sur 4 tranches de 30 ans permet de constater l'usage de 232 noms de famille dont 14 encore portés à la fin du siècle dernier, outre ceux déjà cités, on trouve :
              Bécard, Bodié(r), Boury, Choiselat, Gatouillat, Jossier, Laurent, Martin(s), Petit et Sainton .
   Malgré une abondance considérable d'actes, de nombreux patronymes ont disparus de chez nous aujourd'hui :
                               - 60 sous le nom de Berthier(e) .
                               - 62 sous le nom de Huchard .
                               - 63
sous le nom de Degoie(s)
                               - 77
sous le nom de Laurent .
                               - 78
sous le nom de Deheurle(s) .
                               - 86
sous le nom de Lécorché(r) .
                               - 89
sous le nom de Henry .
                               - 113
sous le nom de Saunois .
                               - 138
sous le nom de Michot (aut) (aud) .

     A l'opposé, on note la présence de 112 noms ''à usage unique'' en 120 ans .
                               - 48 dans un acte de mariage .

                                                       (fallait-il qu'elles soient jolies les filles d'ici 
pour attirer les garçons d'ailleurs !)
                               - 39 dans un acte de décès .
                                                       (s'agissait-il des derniers porteurs de leur patronyme ?
)
                           
                                       - 25 dans un acte de naissance .
                                            (vraisemblablement des mamans qui n'étaient pas fixées durablement
dans la commune, employées
                                                        dans une ferme ou épouses de commis
de culture et dont les maternités précédentes ou suivantes
                                                         avaient eu
lieu dans une autre localité)
     On constate également une réduction catastrophique du nombre de naissances : 235 en 30 ans, autour des années 1800 et 133 un siècle plus tard . Puis une autre réduction, mais moins importante, du nombre de décès : 224 et 161 pour les mêmes périodes et, par voie de conséquence, un différentiel qui est passé de +11 à -28 .